Le déroulement d'un vol de ravitaillement

Le déroulement d'un vol de ravitaillement par Pierre Nigay

Le C135F émerge de la dense couche de nuages à 10 000 mètres d’altitude,son niveau habituel de croisière pour le ravitaillement en vol. Nous évoluons dans une zone au large des côtes landaise qui nous est réservée sous surveillance d’un radar militaire. Au-dessus des nuages, il fait un temps superbe, nous sommes en plein soleil alors qu’en bas ,il pleut des cordes à faire déborder les gaves puis l’Adour. Un temps de printemps landais !


Dans l’équipage,nous sommes quatre. En place gauche,le pilote commandant d’avion:il est responsable de la réussite de la mission et de la sécurité de l’avion mais nous participons ,quatre paires d’yeux et d’oreilles ne sont pas de trop.En place droite,le copilote qui pilote peu mais travaille beaucoup.Il est en charge du calcul des performances ,du suivi du carburant, il exécute les listes de contrôle (check-lists) avant chaque action essentielle. L’ORV, opérateur ravitaillement en vol , calcule le poids et le centrage pour permettre le réglage du plan stabilisateur horizontal, gouverne de vol essentielle.

Lors du ravitaillement, il est allongé à l’arrière, manœuvre la perche qui se termine par l’entonnoir où le ravitaillé devra entrer sa perche. Derrière ,il voit les avions ,nous devant, jamais. Moi, je suis le navigateur responsable du respect de l’itinéraire et de l’horaire et donc de la réussite des rendez-vous.Aujourd’hui, nous en avons six au programme et je prépare le premier. La méthode est simple:je passe le point de rendez-vous  à l’heure prévue et je vire à gauche vers l’avion qui rejoint alors qu’il est très loin -nous volons l’un et l’autre à 900 km/h puis , grâce à une indication de sa part,je revire à gauche pour me retrouver juste devant lui qui vole plus bas.

Je dis «je» par habitude mais c’est du C135F qu’il s’agit ! En visuel, il va monter à notre niveau et se placer en arrière à droite. L’ORV l’autorise à s’aligner avec l’entonnoir puis à s’y engager,Quand il annonce «contact», le copil enclenche les pompes .«Transfert» (nous , un dit «ça coule» mais ce n’est pas très élégant) .«Transfert terminé partiel 2 tonnes» Le ravitaillé quitte l’entonnoir, recule dans l’axe puis plonge à gauche et disparaît. J’engage la procédure pour accueillir le suivant. Ainsi six fois de suite.

Le dernier ravitaillé vient de nous quitter , il est temps de penser à rentrer .Le contrôle nous annonce une dégradation de la météo, il faut faire vite , sans se presser, ne jamais confondre vitesse et précipitation. Le soleil passe sous l’horizon , la nuit arrive et on va plonger dans les nuages et retrouver la pluie.Le commandant d’avion organise la percée .Il décide de confier le pilotage au copilote qui suivra les instructions du contrôleur radar ,il reprendra les commandes dés la vue du sol pour poser l’avion. Puis on passe à l’étude de la fiche de percée qui indique la procédure et la position des obstacles autour de terrain, la remise des gaz en cas d’échec. La fiche donne les minimas en-dessous desquels il ne faut pas descendre, en hauteur des nuages et visibilité.

Aujourd’hui 150 mètres et 800 mètres de visi. Ça passe et le carburant restant nous permet de nous dérouter en sécurité. Puis il donne une tâche à chacun ,une radio à régler, un instrument à surveiller, etc...Pour ma part, je suis responsable de la surveillance de l’altitude durant la descente, en finale, et j’annoncerai les minimas atteints. Tout est prêt, on plonge dans les nuages .Nous voilà bientôt  face à la piste invisible en finale, le copil suit bien ,ça paraît bien emmanché, je suis sur le point d’annoncer les minimas quand le pilote«visuel, je prends les commandes!» Devant on devine des lumières , les essuie-glaces battent à fond sous une pluie dense. Voilà la barre de seuil, on est sur la piste, le posé est ferme , «un atterrissage d’homme »(Pour se consoler du manque de finesse). Reste à freiner pour contrôler la machine et prendre le chemin de roulement Au parking, les mécanos sont là. Remplir le cahier d’ordres, voir le programme des vols de demain, surtout qu’il est question d’un transport de fret Dakar-Abidjan qui devrait être pour nous et c’est la fin d’une journée ordinaire après avoir accompli un travail extraordinaire rendu possible par la technique et le professionnalisme.

Mais qu’on était bien, là-haut au soleil !

 

Écrit par notre Ordissinaute Pierre Nigay